lundi 28 juin 2010

mousen/vermousen

Sauf erreur de ma part, les verbes mousen [ˈmusn] et vermousen [vərˈmusn] ne figurent pas dans le WNT. Ils n'apparaissent pas non plus dans Loquela. Pourtant De Bo cite bien le verbe mousen et lui donne les significations: "espionner, moucher" (dans le sens d'espionner) et "dénoncer". Il indique par ailleurs que ce verbe est très utilisé dans la région de Furnes et en Flandre française. Il cite également mouser, "espion, mouchard".

Le Dictionnaire flamand/français français/flamand de Fagoo, Sansen, Simon (1985) donne mousen: "moucharder, dénoncer".

Dans Moeyaert (2005), les deux verbes figurent transcrits sous les formes moessen "dénoncer" et vermoessen "trahir". Rappelons que la graphie de Moeyaert est adaptée au lecteur néerlandophone pour qui la graphie ou est associée à la diphtongue [ow] et non à [u]. Comme ces mots n'existent pas en néerlandais, il a donc choisi oe en syllabe fermée en doublant le s qui suit. Ce choix rappelle la graphie mistralienne de l'occitan où l'on écrit le provençal en utilisant les principes phonétiques du français. Moeyaert se demande également si mousen ne serait pas un emprunt au picard.

De Brabandere qui est co-auteur avec Moeyaert du Woordenboek van het Frans-Vlaams - Dictionnaire du flamand de France écrit dans son propre dictionnaire étymologique du flamand occidental (2002) que mousen (orthographié ainsi) est emprunté au français mouche qui a pris le sens d'"espion" depuis le XVIe siècle et qui a donné aussi le dérivé mouchard.

Néanmoins le Dictionnaire historique de l'ancien langage françois ou Glossaire de la langue françoise : depuis son origine jusqu'au siècle de Louis XIV (La Curne de Sainte-Palaye, Jean-Baptiste de, H. Champion (Niort), 1875-1882) donne un exemple extrait de la Passion de Faifeu du milieu du XVe siècle dans lequel moucher possède déjà le sens de "moucharder".

Le préverbe ver- indique de manière générale le passage à un après, vers une transformation. Par exemple le verbe vervlaemschen signifie "traduire en flamand". De manière plus précise cette transformation peut être une accentuation, un renforcement par rapport au sens du mot d'origine. Dans notre cas on passe de mousen, "dénoncer", à vermousen, "trahir". Trahir, par son acception morale, étant, me semble-t-il, plus fort et plus large que le fait, l'acte concret de dénoncer.

En conclusion, l'emprunt peut avoir été fait à une époque commençant au moyen-français, au XVe siècle. L'hypothèse picarde semble peu probable pour deux raisons. D'abord aucune trace de ce mot n'existe dans les différents dictionnaires et glossaires de picard que j'ai consulté, ensuite mouche fait mouke en picard et s'il est possible de concevoir une évolution du [ʃ] en [s], cela ne l'est pas pour [k] en [s].

Il faut écrire ces mots: mousen et vermousen contrairement à ce qu'indiquent Moeyaert et al..

Pour être certain de pouvoir voir les transcriptions phonétiques correctement, vous devez télécharger et installer la police Doulos SIL.

P.S. Le Woordenboek van de Vlaamse Dialecten, Deel III, Algemene Woordenschat, aflevering 4: Karakter, Tieneke De Pauw et Magda Devos connaît le mot mousen à Poperinghe, Boezinge et Westouter avec la signifiaction "moucharder, cafarder, cafter" (p. 65). Mouser (p.66) est un mouchard à Poperinghe. En revanche, pour l'arrondissement de Dunkerque, le WVD ne donne pas mousen mais komeeren, le plus souvent et overdragen moins souvent. Deux remarques, d'abord, alors que mousen est connu en France, il ne figure pas sur les cartes et n'a donc pas été cité lors de l'enquête; ensuite le mot est bien orthographié mousen/mouser.


Sources:

De Bo, Westvlaamsch Idioticon, [1892], Familia et Patria, Handzame, 1976

De Brabandere, Frans, West-Vlaams etymologisch woordenboek, Uitgeverij L. J. Veen, Amsterdam/Antwerpen, 2002

Fagoo Arthur, Sansen J., Simon P., Dictionnaire flamand/français français/flamand, Dunkerque, Westhoek Ed./Tegaere Toegaen, 1985

Gezelle, Guido, Loquela, L.J. Veen, Amsterdam, 1907

Moeyaert, Ryckeboer et Debrabandere, Woordenboek van het Frans-Vlaams, Davidsfonds/Literair, Leuven, 2005